Le Bouddhisme et l’art de la psychothérapie

Hayao Kawaï, analyste jungien japonais, a précisé dans son ouvrage « Le Bouddhisme et l’art de la psychothérapie » ce qui relie le Bouddhisme et la psychothérapie, deux mondes qui peuvent apparaître si éloignés.

Suivons la pensée de cet auteur à partir de quelques extraits.

La science moderne est inapte à saisir le vivant en tant que tout

« (…) la science moderne est très efficace quand il s’agit de faire des expériences sur les choses, de comprendre les mécanismes, mais elle est inapte à saisir le vivant en tant que tout. Je pense donc qu’il est nécessaire d’avoir une nouvelle science si l’on a pour but de prendre l’être humain comme un tout. Mais il faudrait auparavant qu’existe une relation investigateur-phénomène différente de la méthodologie des sciences modernes. En explorant comment fonctionne une telle relation, il faudrait essayer de prendre en considération les phénomènes perçus par les différents niveaux de conscience, et non pas uniquement ceux que la seule conscience s’applique à étudier de nos jours dans la science moderne.

Quand vous considérez les relations entre les choses du point de vue de cette conception (…), l’émergence, l’existence dynamique, simultanée et interdépendante de toute chose devient significative. C’est dire qu’on suit non seulement les relations de cause à effet, mais aussi les relations synchronistiques ou acausales. Et le savoir que vous acquérez là requiert en quelque sorte l’expérience de l’expérimentateur. Ce point de vue est différent de celui des sciences modernes, selon lequel le savoir universel est acquis sans établir une relation directe avec l’expérimentateur de chaque expérience individuelle.

La nouvelle science aura pour fondement les expériences humaines

Il est me semble-t-il nécessaire de soulever ces questions dès que vous étudiez l’être humain en tant que tout. Bien que différente des sciences modernes, j’appellerai aussi science cette démarche, puisqu’il ne s’agit pas d’utiliser l’Absolu ou un dogme pour expliquer les phénomènes. Elle a pour fondements les expériences humaines, elle cherche les principes et bâtit des théories qui ne sont pas absolues. Elle traitera ces questions comme aléatoires et s’attachera donc aux faits relevant de l’expérience. Ces caractéristiques me permettent, je crois, d’utiliser le terme de science. Mais ce n’est qu’à la condition d’être bien conscients que cette science est différente des sciences modernes que nous échappons au risque d’associer les résultats à de la magie.

Je n’ai pas les compétences suffisantes pour comparer la physique contemporaine et la physique classique, mais je sais qu’il est impossible, de nos jours, de faire de la recherche sans tenir compte de la relation entre l’observateur et les phénomènes observés. Ce que je suggère, c’est de voir dans mes réflexions une science de l’être humain. A la manière d’une prémonition, je sens qu’une nouvelle science de ce genre, qui traiterait du tout sans faire de distinction entre les choses et les êtres pourrait émerger et être infiniment plus proche de la religion que la vieille science (moderne).

la psyché humaine devrait aussi être considérée comme un supersystème

(…) la psyché humaine devrait aussi être considérée comme un supersystème. J’ai évoqué à maintes reprises les différents niveaux de conscience tout en indiquant aussi que même des choses qui, logiquement, paraissent conflictuelles, coexistent dans l’esprit d’un être humain. De fait, cette coexistence a de la valeur. Je tends à penser que notre esprit humain a pour faculté de maintenir l’intégration à chaque niveau de conscience. En plus, en tant que tout, il fonctionne comme s’il était un supersystème sans centre. En bref, je crois que la psyché en tant que tout, quand elle est saine et fonctionne bien, n’a pas besoin d’un centre qui a pour but de tout intégrer.

Jung a relevé l’importance du Soi

C.G. Jung a appelé le centre de la conscience ordinaire moi et, alors que l’Occident moderne pensait que le moi était primordial, Jung a relevé l’importance du Soi. C’est une grande contribution. Mais nous ne devons pas oublier que Jung a doté le Soi d’une nature extrêmement paradoxale. Il dit que le Soi est le centre et pourtant il souligne que le Soi est le tout.

(…) On pourrait dire que, si un système fonctionne bien en tant que tout, vous appelez ce fonctionnement intégration. Par rapport à cette notion d’intégration, nous sommes enclins à penser qu’un principe ou une règle existe, qui est centrale, qui contrôle. Je crois que toute chose — y compris les êtres humains — peut fonctionner indépendamment du centre ou principe que l’homme crée.

Impossible d’intégrer les cultures orientale et occidentale

(…) J’ai décrit ma difficulté profonde à être pris entre les cultures orientale et occidentale. Je souffrais de cette situation, croyais qu’il était possible d’intégrer les deux et en parlais facilement ; mais, après avoir essayé maintes fois de toutes mes forces, j’en suis peu à peu venu à savoir qu’il est en fait impossible de les intégrer. Il semble même dangereux de tenter une rapide intégration, car, comme je m’en suis rendu compte, ceux qui tentent de le faire ont tendance à ignorer les inconvénients. Il semble probable qu’une nouvelle science n’essaiera pas de développer un système de connaissance mettant en avant une intégration simple, logique.

Cette explication de l’intégration/non intégration peut, du point de vue du système de connaissance occidental, sembler confuse, voire dénuée de sens. Pourtant, si je parviens à accepter que le conflit et la contradiction sont importants, je peux, après avoir établi que l’intégration est impossible, ajouter que, avec le temps et la perspicacité, l’intégration est aussi possible. Ce n’est peut-être pas trop inquiétant. Si nous sommes amenés à développer une nouvelle science du tout, nous devons nous ouvrir à des modes de pensée et de perception imaginatifs, nous montrer déterminés, et tout mettre en œuvre pour y parvenir. » (pages 173 à 176)

Je ne fais qu’écouter les rêves

A propos de l’interprétation des rêves, Hayao Kawaï, empreint d’une double culture Jungienne et Bouddhiste, précise : « Quand, auparavant, j’écoutais les rêves, je les comprenais, si bien que je les « interprétais ». Mais maintenant je me sens de moins en moins enclin à interpréter. Les rêves sont importants, si bien que je les écoute et, plus souvent maintenant, je ne fais qu’écouter.« (p 43)

Cet ouvrage est édité par les Éditions La Fontaine de Pierre.