Harcèlement moral et managérial

Le harcèlement moral dans la vie professionnelle fait l’objet de nombreuses études et est sanctionné par la loi. De nombreux salariés sont poussés à la démission, ils font état de brimades et de vexations, dans les cas extrêmes ils peuvent être conduits au suicide.

En France c’est le livre “Le Harcèlement moral” de Marie-France Hirigoyen qui en 1998 a permis au grand public de prendre conscience de la violence perverse exercée au sein des entreprises.

Depuis cette date une loi a été promulguée et est appliquée. Les cas de jurisprudence démontrent que de nombreux salariés, la plupart du temps occupant des postes d’encadrement, sont poursuivis et sanctionnés.

Les entreprises se doivent d’être particulièrement vigilantes et faire “la chasse” à ce type de comportement. Par extension elles sont tenues à un comportement exemplaire à l’égard des tiers (clients et fournisseurs).

Voici quelques exemples de situations rencontrées

Les cas ci-dessous s’inspirent de cas réels, les prénoms et les secteurs d’activité ont été modifiés.

Le cas d’un salarié poussé à la démission

Paul a signé un contrat de travail en qualité d’Ingénieur commercial auprès d’une entreprise qui opère dans le secteur de l’ingénierie informatique. Ce contrat précise qu’un avenant doit être signé chaque année pour définir à la fois le périmètre et le chiffre d’affaires.  De plus, s’il dépasse un certain chiffre d’affaires il a droit à une prime.

Paul voit année après année que le chiffre d’affaires qu’on lui demande de réaliser est totalement irréaliste, car déconnecté des objectifs initiaux et du potentiel réel de l’entreprise sur son segment de marché. De plus pour chaque nouvelle période son périmètre rétrécit.

En parallèle, il découvre que certains collègues qui effectuent le même travail et qui ont le même niveau de qualification ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

Le litige éclate au moment où l’entreprise refuse sans raison de lui verser la prime dont il a droit, liée à un certain niveau d’objectif atteint. Il s’en ouvre auprès de sa direction qui sans lui fournir d’explications lui indique verbalement que cette prime ne lui sera pas versée.

Paul alerte les délégués du personnel de son entreprise. Après enquête, ceux-ci découvrent que d’autres salariés à même niveau de responsabilité reçoivent les primes liées aux objectifs atteints, ont des objectifs « réalisables » et même pour certains se voient agrandir leur périmètre géographique.

Tous les éléments recueillis montrent que tout est fait pour pousser Paul à la démission (Paul a de l’ancienneté, donc l’entreprise en cas de licenciement devra lui verser des indemnités de licenciement très importantes).

Au cours de leur enquête, les délégués du personnel constatent que d’autres personnes dans l’entreprise font l’objet de discrimination.

Il s’agit typiquement d’un cas de harcèlement managérial.

Cas de mise en concurrence déloyale entre salariés

Dans un bureau d’étude, Arnaud attribue à Anne et Kévin, chefs de projet, deux tâches identiques. Anne et Kévin ne se côtoient pas, chacun pense qu’il est le seul à qui la tâche lui a été confiée.

La mise en concurrence est déloyale, Anne est désavantagée par rapport à Kévin :

  • Kévin reçoit sous forme de suggestions de la part d’Arnaud, son supérieur, des pistes de recherche explorées par Anne. Comme  chacun est tenu d’informer régulièrement  Arnaud, celui-ci dispose d’éléments permettant d’exercer une discrimination entre ses deux employés.
  • Kévin obtient plus de ressources que Anne.
  • Kévin reçoit une formation complémentaire pour mener à  bien la tâche qui lui est confiée.

A la date de fin de projet, Arnaud prouve à sa direction qu’il n’est plus possible de confier à Anne de nouveaux projets de cette envergure et que désormais on ne pourra lui confier que des tâches de niveau inférieur. En parallèle Kévin se voit honorer par l’octroi d’une gratification supplémentaire.

Au fil du temps Anne doute de ses capacités et entre dans une phase de burn-out.

Elle fait état de ce qui lui arrive au médecin du travail et alerte les délégués du personnel. Ceux-ci finissent par découvrir la supercherie. Celle-ci est pratiquée à plus grande échelle tant au niveau du siège que de ses agences régionales.

Ce cas relève du harcèlement managérial où tout l’encadrement participe à une mise en compétition et au maintien d’un système de discrimination.

Cas de conservation du pouvoir et appropriation d’un travail d’équipe

Jean-Martin est responsable d’une cellule de veille au sein d’un groupe pharmaceutique. Il dispose de nombreuses ressources et parmi celles-ci un groupe de salariés experts dans ce domaine.

Ils leur confient des travaux de recherche. Systématiquement il se montre critique, s’impatiente pour des délais non respectés (fixés arbitrairement par lui), aucune formulation ne lui convient.

Très habilement et dans le plus grand secret, il confie à Sophie, qui est toute dévouée à son responsable et lui voue une grande admiration, le soin de reprendre les meilleures réponses apportées par ses collègues et d’assurer la mise en forme.

Le rapport final est publié au nom de Jean-Martin, qui de fait est reconnu et admiré par sa hiérarchie, alors que les auteurs véritables sont maintenus à l’écart, sans aucune possibilité de promotion.

Les salariés s’ouvrent de leur situation auprès des délégués du personnel. Après enquête la direction générale n’est pas mise en cause directement, car ce mode de fonctionnement n’est pas étendu à l’ensemble de l’entreprise, ce responsable est immédiatement démis de ses fonctions.

Ce type de harcèlement s’exerce par une insuffisance de contrôles au sein de la direction qui peut faire l’objet de poursuites.

Cas de déclassement par confusion de missions

George se voit confier oralement le suivi d’un grand projet immobilier par son supérieur hiérarchique Claude. Ce projet est découpé en plusieurs sous-tâches, sans spécifications précises, et sans délai à respecter.

Claude suggère à George (toujours à l’oral) que l’une des tâches est prioritaire par rapport aux autres. George avance au maximum cette tâche. Au point d’avancement suivant, Claude lui demande où en est l’avancement des autres tâches, ignorant ce qui a été fait au niveau de la tâche “dite prioritaire” … Ceci déstabilise George qui prend l’engagement d’avancer les autres tâches.

Sous la contrainte George avance de front toutes les tâches. Finalement, par manque de temps et de moyens, il lui est impossible de les mener à terme… bien que les avancées soient significatives.

Claude, à chacun des points d’avancement, ne manque pas de souligner que le projet global prend du retard, qu’il est dans une impasse. Il menace George de lui retirer le projet. Son vocabulaire est méprisant. Il s’attache à noter les problèmes mineurs non résolus et reste silencieux sur les points importants qui ont trouvé une solution grâce au travail acharné de George.

Claude finit par confier ce projet à Sandrine qui reprend le travail effectué par George et qui bénéficie des solutions qu’il a mises en oeuvre. Il lui laisse le temps nécessaire pour terminer son projet et fait en sorte que tout le mérite lui revienne.

George doute de ses capacités à mener à bien de tels projets, la suspicion s’installe dans l’esprit de ses collègues, petit à petit il est mis à l’écart de la société qui indirectement le pousse à la démission.

Ce type de harcèlement managérial est malheureusement très courant.

Ce qu’il faut retenir

Tous ces exemples montrent la souffrance des personnes qui sont soumises à du harcèlement professionnel. Elles finissent par douter d’elles-mêmes, se rebellent rarement, et si elles le font elles sont discréditées, car le ou les harceleurs ont pris soin de rendre leurs arguments caducs.

La loi est explicite à ce sujet, le harcèlement moral est un délit, l’article L1152-1 du Code du travail précise :

“Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.”

Les représentants du personnel, la médecine du travail, l’inspection du travail ont le devoir de prendre en compte les agissements dénoncés par les salariés objet de harcèlement.

Au-delà du respect strict de la loi, les personnes qui font l’objet de harcèlement font appel à des thérapeutes qui les aident à gérer le stress engendré par de telles agressions et leur proposent des solutions de reconstruction.